LE THÉORÈME DE MIOS

Chroniques de la Grande Allée n°29 mai 2015

« Pour établir un alignement correct il faut au moins trois planteurs. Par deux points ne passe qu’une droite mais son orientation peut dévier tandis que la droite qui passe par trois points définit un tracé de confiance ! » Ainsi parlait le Président et nous l’écoutions tous attentivement, tous sauf Annie qui bavardait avec Marie-Christine qui faisait de grands gestes vers Véronique qui expliquait un truc à Cathy.

Ce qui est vraiment sympathique dans ces expéditions c’est leur côté convivial voire mondain. Il y a comme cela toutes sortes de personnes que l’on a grand plaisir à revoir mais que les contraintes de la vie ne nous permettent pas de rencontrer si souvent. Les occasions comme ces plantations nous en offrent le loisir et sont donc à exploiter au maximum, les sorties de la messe ou du culte aussi d’ailleurs si l’on est pratiquant.

Le propriétaire sylviculteur ne se laisse pas si facilement amadouer et le convaincre de laisser une bande « d’illuminés » investir ses terres, même pour une cause honorable et d’intérêt général comme la nôtre, représente un défi à chaque fois renouvelé. Yves et moi, surtout Yves d’ailleurs, étions pendus aux basques de la mairie de Mios depuis le début de cette année car la commune possède des terres sur le tracé de l’Allée.

Dès que nous avons obtenu l’accord des édiles une expédition a été organisée. La première de cette envergure depuis un brave moment. Nous étions donc une douzaine ce dimanche, un tiers de néophytes et donc une majorité de vieux briscards ayant de nombreux pins parasols à leur actif et quelques pins maritimes à leur passif, parvenus tant bien que mal au bout de cette piste cahoto-sablonneuse à éviter après de fortes pluies.

Bravo à Danielle pour son coup de volant efficace ! Aurait-elle pratiqué le Dakar dans une vie antérieure ? La fin de la matinée fut pour une fois active sous les invectives enthousiastes du Chef.

Après une douzaine d’années d’expériences diverses nous ne nous débrouillons pas si mal pour aligner trois arbres en levant très haut les piquets de filet. Cela explique l’appel répété et quelque peu équivoque pour un passant non prévenu : « Tu le vois mon bâton ? ». Bref, en une heure nous avons prépositionné deux rangées de pins et, avec l’accord indulgent de Yves, décidé d’attaquer ce moment fort de la journée, le pique-nique.

Ah, les pique-niques de l’Association ! L’élégant vin suisse en apéritif, le monceau des charcuteries achetées aux Capucins, le Merlot de nos contrées, les gâteaux parfois maison (mention pour le far aux pruneaux) et le café agrémenté d’un carré de chocolat. La conversation oscille entre les méfaits de la tique des sous-bois, la qualité de telle ou telle exposition à la base sous-marine, les prestations pianistiques du maestro, on règle des adhésions en souffrance, on souffre des régulations d’adhérence. Et on ne fait (même) pas la sieste cette fois-ci.

L’après-midi nous voit prenant des repères dans un autre secteur de la parcelle parmi des arbres déjà plus élevés, îles dans un océan d’ajoncs sournois zé perçants. Il est encore plus ardu d’appliquer le théorème pré-cité car, il faut bien le dire, on n’y voit goutte. “On devrait investir dans un drone…” propose JeanPaul. C’est une idée certes, mais à double tranchant parce qu’on risque bien de s’apercevoir qu’il faut reprendre nos alignements dans tous les travaux antérieurs !

Contrairement à la pensée d’Abraham Moles (1920-1992) je dirais “il est bien plus facile de vivre dans des incertitudes modérées que dans la certitude de nos erreurs!” Bon, avec tout ça nous aurons encore passé une excellente journée au calme de la lande et la Grande Allée va progresser cette année.


Olivier F. Léonard