Il ne s’en pas fallut de beaucoup pour que cette expédition du 11 février ne tombe à l’eau. De l’eau justement il y en avait un peu trop dans le ciel au goût de certains, ce qui aurait pu troubler leur confort. Et puis en dehors de l’eau il y avait le dos, celui de Yves qu’il avait tordu en descendant de son grenier. Ce n’est donc que le vendredi que le départ fut confirmé.
Dimanche matin, à la pointe du jour, disons 10h30 pour être précis nous voilà chargeant la voiture de caisses de plants rue Saint-Rémi. Il n’y a pas de temps morts pour recruter des « volontaires » et nous tentons d’embarquer successivement dans notre aventure monsieur Xiradakis, qui a plus urgent à faire à son restaurant, un collègue de l’Office du Tourisme qui se dirige vers l’office dominical, et Laure qui est vraiment par trop élégante pour nous accompagner. Ce sera pour une autre fois, c’est promis !
Nous sommes quatre, Yves, Alexandre, Katy et moi dans la Kangoo, chargée à bloc et nous attendons le restant de l’équipe. Judith et Paul se présentent, en chaussures de ville mais plein d’enthousiasme ainsi que Olivier dit « Le Jardinier ». Une demi-heure passe et il nous faut décidément nous décider. Nous faisons bien, d’ailleurs, car cinq minutes après Maxence nous envoie un message comme quoi, subissant les désagréments d’une nuit sans doute trop arrosée, il ne viendra pas.
Yves, un peu déçu, envisage fortement de persuader le premier SDF rencontré de se joindre à nous. Nous l’en dissuadons car nous ne sommes pas certains d’avoir emporté suffisamment de bouteilles de pinard d’eau. A la barrière du Médoc la voiture de Sophie et Valérie nous emboîte la roue, puis à Hourtin celle de Pierre et Marie. Nous voilà onze, ce qui n’est pas ridicule. Le monsieur de la mairie qui devait nous laisser une masse nous a oubliés. Zut et flûte ! Nous n’en avons qu’une ce qui est très peu pour deux équipes distantes de soixante mètres.
Dans un sursaut d’énergie nous allons à la quincaillerie qui est évidemment fermée, à 12h38, un dimanche, les gens ne pensent qu’à se reposer, mais en face de laquelle se tient, fumant la pipe, un de nos sympathisant locaux qui se fait un plaisir de nous prêter l’outil.
La piste détrempée et cabossée est un petit calvaire pour le dos de Yves. On l’entend serrer les dents à chaque cahot, ce qui fait une succession de « Prouf ! » quand la voiture s’enfonce dans un trou et de « Crouic ! » quand ses molaires se touchent. Une Grande Allée se mérite.
Nous sommes arrivés dans notre pampa. Pas un chasseur en vue, le front est calme et le ciel est gris! Comme d’habitude le plus urgent est de faire une pause. Il faut reconnaître que d’expéditions en expéditions les progrès les plus sensibles de notre entreprise, tant pour ce qui est des fournitures que pour la participation, se font jour dans la préparation du pique-nique.
C’est une débauche de charcuteries savoureuses, ah ces rillettes ! et de fromages distingués, de la mimolette hors d’âge au très british. Stilton. Pour les vins c’est pas mal non plus mais il ne faut pas en abuser si l’on veut être d’attaque pour la suite des évènements.
Yves nous gratifie ensuite d’un brillant topo avec schémas des rangées d’arbres à planter ou vérifier. Il insiste, comme à l’accoutumée, sur la nécessité de BIEN dégager les abords du trou de plantation, quitte à supprimer des voisins gênants. Nous comprenons que nous allons enfin achever le premier kilomètre de tronçon de l’Allée. Ce fichu kilomètre nous résiste depuis le mois de novembre. Deux équipes sont formées et chacune, pourvue de ses houes, de sa masse, des filets de protection, tuteurs, jupes de protection et plants, s’enfonce dans la forêt.
Nous sommes rapidement à pied d’œuvre, il fait bon, il ne pleut pas, nos forces sont intactes. Deux heures plus tard nous avons bien progressé, j’ai perdu mon blouson avec mes lunettes de soleil Emporio Armani, nous commençons à fatiguer. Yves nous promet une pause après le deuxième fossé et nous approvisionne en matériel malgré ses problèmes de dorsalgies. Il nous semble que la deuxième équipe progresse plus vite que la notre et pourtant nous comprenons que certaines de leurs équipières vérifient souvent le confort des herbages. Peu à peu nous affinons notre technique, l’un ou l’autre des garçons abat les arbres, dégage les broussailles et creuse l’excavation, puis les filles, de leurs mains délicates, mettent en place le châtaignier, le chêne ou le pin suivant le cas, disposent la jupe, la fendent pur enfiler les tuteurs. En quelques coups de masse ceux-ci sont enfoncés puis c’est la mise en place du filet de protection antichevreuils.
A cinq nous avons le temps d’échanger divers propos s’écartant de l’objet principal de notre activité. C’est un des aspects sympa de ces journées, on rencontre des personnes de tous horizons. Puis Paul et Judith s’en vont. Il va ouvrir la pizzeria ce soir en ville. Nous ne sommes plus que trois, Olivier le Jardinier, Katy et moi. Il commence à pleuvoir. Nous passons un fossé, plein d’eau. Au deuxième je rattrape de justesse Katy qui, pour un peu, prenait un bain glacé en compagnie des têtards. L’aventure, toujours l’aventure.
C’est le crépuscule maintenant, nous avons épuisé les plants disponibles. Bien sûr il en reste près des voitures mais c’est si loin. Il est temps de nous replier en bon ordre avant qu’une mutinerie ne se fomente. Un gobelet de café chaud nous rassemble sur le pare-feu. Nous échangeons quelques commentaires plutôt satisfaits sur notre œuvre.
Je découvre mon blouson qu’une bonne âme a recueilli, de toutes manières il est absolument trempé et ne m’aurait pas servi à grand-chose. Et c’est le retour dans la nuit et les averses. Nous restituons la masse à son propriétaire en le gratifiant d’une bonne bouteille survivante à nos ripailles. Dans la Kangoo la conversation va son train, nous avons passé un bon moment ensemble et nous dormirons bien cette nuit.
Olivier F. LEONARD 2009