DISTRACTION PRÉSIDENTIELLE

Compte rendu de l’Assemblée Générale Annuelle de l’Association « Du Pin sur la Planche » 10 décembre 2010

Une fois n’est pas coutume l’AG annuelle de l’asso s’est tenue dans un lieu public, à savoir la salle haute du restaurant « Lou Grill ». Le patron, un camarade de Fac d’un des membres éminents du bureau exécutif avait accepté de cuisiner les pièces de sanglier et de chevreuil rapportées d’une de nos expéditions. Le Président Simone avait, en outre, poussé le souci du détail jusqu’à acheter lui-même le pain qui serait servi à table.
Les arrivées et l’émargement des participants, une douzaine, se sont échelonnés sur une demi-heure mais le Président, féru de ponctualité, a décidé de s’en tenir à l’horaire prévu. A 20h15 la séance fut ouverte sur le recueil des nombreuses et enthousiastes adhésions 2011. D’aucuns se récriant devant la modicité de ce qui leur était demandé (15€ et 25€ pour un couple) afin d’encourager notre grandiose projet. Projet qu’il n’est pas inutile de rappeler ici, planter une allée de pins parasols sur quatre rangées et 250 km de longueur, traversant l’Aquitaine.

 

Le Président Simone, rigoureux, l’oeil sur la montre, précisa le programme de la soirée puis concéda la parole au Trésorier, votre serviteur en l’occurrence si je puis me permettre. Le rapport financier fut sans surprise sauf celle du Président lorsqu’il s’aperçut qu’il avait versé par mégarde deux fois sa généreuse participation. Il émit naturellement le souhait d’être remboursé du trop perçu. Il s’ensuivit des mouvements divers et l’approbation des comptes se fit dans un léger chahut au milieu duquel se laissaient entendre des cris tels que « démission! », « jamais vu ça en trente ans de vie associative », « scandale inouï ».

 

Cette effervescence bon enfant se fit plus discrète à l’apparition de nouveaux convives à la table voisine. Un groupe d’Asiatiques duquel se détachait un couple remarquable. Lui, très aristocratique dans son costume sombre à gilet agrémenté d’un noeud papillon classieux, Elle, une longiligne et gracieuse perle d’Orient à la physionomie à la fois expressive et énigmatique, à la chevelure de jais savamment coiffée. Une robe claire au col de fourrure, si étoffée que l’on pensait à un manteau l’habillait de près.

 

Force fût de convenir que la survenue de cette séduisante personne désarçonna quelque peu le Président Simone à qui revenait maintenant de nous exposer son rapport moral. On le sentit comme légèrement distrait.
Aidé par la charmante Cécile D. il déroula une carte détaillée car cadastrale de la Gironde mettant en évidence le tracé de l’Allée sur les communes de Sainte Hélène, Le Temple, et Saint Jean d’Illac. Il souligna que nous progressions sensiblement vers le Sud et que prochainement, à cette allure, nous entrerions dans le département des Landes. L’assistance, galvanisée, applaudit à tout rompre, attirant l’attention de la belle étrangère qui tourna la tête vers notre table. Le Président en manqua lâcher la carte.

 

Au prix d’un grand effort il recouvra son sang froid et reconnut que cette rapide avancée dissimulait mal une triste réalité: de grands espaces séparaient les rares et brèves parcelles de plantation qui pointillaient le tracé. L’année 2010, notamment n’avait pas été brillante. Certes nous avions, au cours de plusieurs expéditions planté sur Sainte Hélène et dans des conditions favorables car parmi des pins maritimes tout jeunes mais il se devait, lui le Président, de nous faire une triste révélation. Un passage au cadastre, sous l’égide d’un autre responsable, avait mis en évidence ce qu’on pourrait qualifier de « légère erreur de tracé ». Bref, nous avions planté hors parcours de l’Allée.

 

Au total 2010 se résumait à environ 150 mètres de travail effectif. Un silence consterné tomba sur la table…
Lors de la préparation de cette AG nous avions pourtant convenu, Yves et moi, qu’il ne serait pas franchement indispensable d’exposer cette bévue de crainte de démotiver les troupes. Il me sembla bien que l’orateur, si maître de lui à l’ordinaire, était déstabilisé par la troublante voisine.
Il s’efforça d’achever la présentation par une note optimiste: nous allions sous peu de kilomètres approcher le camp militaire de Saint Jean d’Illac. Il se faisait fort de prendre contact avec le colonel responsable et de le persuader de l’adéquation de notre Allée avec les manoeuvres et autres exercices de l’Armée.
« Il laisse entrer des troupeaux de moutons pour débroussailler les sous bois alors pourquoi pas nous? On disposera de petits drapeaux sur les plants pour qu’ils ne soient pas écrasés par les blindés tout simplement. » Il se représentait la scène de l’entrevue avec l’officier et faisait jouer rêveusement la lumière sur les galons diamantés de sa propre vareuse.

 

Le renouvellement du bureau se fit ensuite en quelques instants faute de candidatures inopportunes. La secrétaire en titre, Cécile B., nous assura de son dévouement indéfectible et d’une activité encore plus intense, s’il était possible, au bénéfice de l’asso.
La séance fut levée sur ces bonnes paroles et le repas commença. Nous fîmes largement honneur aux venaisons proposées, aux vins capiteux, aux desserts crapuleux.
L’observateur attentif nota alors l’attitude du Président qui, sous des dehors enjoués, avait de quoi surprendre. Il poussait de temps à autre de longs soupirs plaintifs, lançait des regards langoureux sur sa droite, élevait la voix dans les moments de silence comme pour attirer l’attention et surtout ne remplissait pas son assiette aussi souvent qu’à l’accoutumée.

 

Lorsque nos voisins se levèrent de table et que la Princesse se démena avec sa chaise, c’est lui, notre Président, qui se précipita pour lui venir en aide. Sa
récompense en fût un éblouissant sourire.
Il fût à partir de là très difficile de lui tirer le moindre mot, il était transposé sur une autre planète et y traçait des Allées interminables de pins parasols.
Nous nous retirâmes dans un silence empreint de respect quoique bousculé par la cohue bruyante de la rue Saint-Rémi…

 

par Olivier F. Léonard – Décembre 2010

2 réflexions sur “DISTRACTION PRÉSIDENTIELLE”

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